« Comment ces voix improvisent-elles leurs dialogues chantés ? Comment les mots, les mélodies, les rythmes deviennent un jeu d’échanges qui se ré-invente constamment ?

Que se disent-elles, ces voix qui inventent les mots qui les suivent ? Rien de plus que ce qu’elles se diraient avec des mots préparés, mais, en chantant ces chansons que personne n’a composé, elles deviennent un moment toutes les autres voix qui les ont chantées avant elles et qui les chanteront après.

Voix nasales, gutturales, rauques, enracinées, festives, qui cherchent à vibrer ensemble, à faire vibrer les intervalles, à exprimer le théâtre des mots inventés. Les Frères Lopes s’inscrivent dans la continuité d’une tradition musicale pure. La grande technicité de ces deux musiciens, multi-instrumentistes, passés par des solides études de musique classique, leur apporte un regard lucide et pertinent sur la musique de leurs pays. Elle reste au service d’une expression ancienne qui évolue tranquillement au contact de la vie sans perdre son âme.

Chanter pour les Portugais fait partie de la vie. Chanter pour les autres, avec les autres, parmi les autres. Le chant portugais n’a pas de direction, le son tourne en permanence et enveloppe chaque convive. Il s’invente et s’adapte à chaque situation. La particularité de ce chant tient a sa nature particulière  à  mi-chemin entre invention instantanée et préparation minutieuse, à la fois savant et populaire. Malgré la virtuosité et la technicité qu’il exige, il trouve ses modes de transmission dans les contacts directs, dans la vie de tous les jours, et idéalement, dans la fête. Cette transmission est toujours affaire de tous : on s’aide, on communique, on applique à la musique les mêmes règles qu’à la vie ».

Alexandros Markeas, compositeur